đ§ââïž Le retour du Moyen Ăge sur X
Octobre 2025. Les vitrines se couvrent de toiles dâaraignĂ©es, les enfants comptent leurs bonbons, et comme chaque automne, certains dĂ©noncent la âdĂ©cadence spirituelleâ.
Hier soir, je tombe sur un thread de @StanislasBerton, appelant au boycott dâHalloween.
Selon lui, la fĂȘte serait une manĆuvre des âforces antichrĂ©tiennesâ pour ânormaliser le satanismeâ.
Lâexpression, grotesque Ă premiĂšre vue, traduit pourtant un malaise bien rĂ©el : celui dâune partie de la sociĂ©tĂ© qui voit dans le dĂ©clin religieux une menace identitaire.
Je suis anti-thĂ©iste. Ce nâest pas un secret. Mais lâanti-thĂ©isme nâest pas un athĂ©isme hargneux : câest une position rationnelle qui refuse que la peur, la croyance ou la superstition remplacent la rĂ©flexion.
Ce nâest pas mĂ©priser la foi, câest rappeler que la foi appartient Ă la sphĂšre privĂ©e, et que la raison concerne tout le monde.
đ° Les âforces antichrĂ©tiennesâ : un mythe pour combler le vide
Les rĂ©cits de âcomplot spirituelâ prospĂšrent toujours dans les pĂ©riodes dâincertitude. On y projette les angoisses dâun monde qui change trop vite.
Mais rĂ©duire Halloween Ă une âoffensive antichrĂ©tienneâ est historiquement absurde.
Halloween, câest avant tout le croisement dâune fĂȘte celtique (Samhain) et de la Toussaint chrĂ©tienne, rĂ©interprĂ©tĂ© au fil des siĂšcles avant dâĂȘtre recyclĂ© par la culture populaire amĂ©ricaine.
Aujourdâhui, câest surtout un produit culturel et commercial, pas un rite paĂŻen clandestin.
LâidĂ©e dâune âinfiltration paĂŻenneâ relĂšve du fantasme.
Les chiffres, eux, racontent une autre histoire : celle dâune dĂ©saffiliation religieuse lente mais massive.
- En 1981, 70 % des Français se déclaraient catholiques.
- En 2024, ils ne sont plus que 51 % (IFOP).
- Parmi les moins de 25 ans, prĂšs de 40 % se disent sans religion, et moins de 3 % vont Ă la messe.
- En Europe, 6 pays sur 10 sont désormais majoritairement non pratiquants (Pew Research, 2023).
Autrement dit : ce nâest pas un combat contre le christianisme, câest une Ă©volution sociologique.
Pas de âforces obscuresâ, simplement le temps, la science et une sociĂ©tĂ© qui nâa plus besoin de justification transcendante pour vivre le prĂ©sent.
Le vrai danger ne vient pas de la perte de foi, mais de son retour autoritaire.
Quand la religion sâinvite dans la loi, dans lâĂ©cole ou dans le corps des femmes (comme en Pologne avec les lois anti-IVG, ou dans plusieurs Ătats amĂ©ricains imposant les Dix Commandements Ă lâĂ©cole), la raison recule.
Ătre anti-thĂ©iste, câest refuser cette confusion : le sacrĂ© nâa pas Ă dicter la norme.
đ Le âsatanisme normalisĂ©â : la vieille peur du symbole
Le discours du âsatanisme rampantâ nâest pas nouveau.
Dans les annĂ©es 1980, la âSatanic Panicâ amĂ©ricaine accusait les jeux de rĂŽle, les clips de rock et mĂȘme Harry Potter dâouvrir des portails vers lâenfer.
Aujourdâhui, on dĂ©place la peur sur les citrouilles et les dĂ©guisements.
Mais Halloween nâa rien de satanique : câest une cĂ©lĂ©bration du fictionnel, pas du dĂ©moniaque.
Le seul dĂ©mon qui sây cache est Ă©conomique : celui du marchĂ©.
Dans un monde saturĂ© dâangoisses politiques et climatiques, Halloween fonctionne comme une catharsis.
On joue avec la peur pour mieux la désamorcer.
Ce nâest pas du blasphĂšme, câest de la santĂ© mentale collective.
đ Lâanti-thĂ©isme en 2025 : raison, progrĂšs et responsabilitĂ©
Ătre anti-thĂ©iste en 2025, ce nâest pas militer contre les croyants.
Câest dĂ©fendre la place de la raison dans un monde saturĂ© de croyances dĂ©guisĂ©es.
Câest affirmer que la science soigne mieux que les priĂšres, que la libertĂ© vaut mieux que lâobĂ©issance, et que la morale humaine nâa pas besoin de sanction divine pour exister.
Les pays les plus sécularisés (NorvÚge, SuÚde, Danemark, Islande) sont aussi les plus heureux, les plus égalitaires et les plus stables selon le World Happiness Report 2024.
Ce nâest pas un hasard : la libertĂ© de conscience y est totale, et la religion y reste ce quâelle devrait ĂȘtre, une option personnelle, pas une norme collective.
Halloween, dans ce cadre, nâest quâun symbole : celui dâune sociĂ©tĂ© capable de rire de ses anciens dĂ©mons, de jouer avec ses mythes, sans les craindre.
đ Conclusion
Le XXIe siĂšcle nâa pas besoin dâun nouveau Moyen Ăge moral.
Il a besoin dâune culture du discernement, dâun esprit critique et dâun peu dâhumour.
Halloween nâest pas une menace : câest une parenthĂšse.
Un moment oĂč la peur redevient jeu, et oĂč la raison garde la main.
Croire ou ne pas croire nâest pas le vrai dĂ©bat.
Le vrai combat, câest de prĂ©server la libertĂ© de penser, dâapprendre et de rire sans permission divine.